Izabela JURASZ | Comment retourner à Ithaque ? Le voyage d’Ulysse selon les platoniciens, gnostiques et chrétiens | 1-23 |
Marta SZADA | Basil of Caesarea’s Biblical Readings in the Address to Young Men on Reading the Greek Literature | 25-44 |
Johannes VAN OORT | A New Reading of Augustine’s Conversion Story (conf. 8,13-30) | 45-100 |
Mathilde SCHWOERER | Chanter les frères Maccabées au Ve siècle : recherche sur les enjeux du Carmen de martyrio Maccabaeorum (CPL 1428) | 101-136 |
Jérémy DELMULLE | Fragments patristiques non reconnus dans l’Expositum in Heptateuchum de Jean Diacre | 137-222 |
Comptes rendus bibliographiques | 223-231 |
68/2
In memoriam Pierre Petitmengin | I-XXIII | |
Emanuele CASTELLI | La nascita del termine ΧΡΙΣΤΙΑΝΙΣΜΟΣ. Un nuovo punto di partenza e alcune considerazioni sull’uso della parola in Ignazio di Antiochia | 233-258 |
Christophe GUIGNARD | La date du commentaire de Fortunatien d’Aquilée sur les évangiles à la lumière de ses prises de position trinitaires | 259-329 |
Gert PARTOENS – Nicolas DE MAEYER | Augustine’s Sermo 291 for the Natale of John the Baptist. Content Analysis, Transmission Study, and New Critical Edition | 331-367 |
Geoffrey D. DUNN | Boniface I and the Apiarius Affair | 369-389 |
Chronica Tertullianea et Cyprianea 2021 | 391-432 | |
Bulletin augustinien pour 2021 et compléments d’années antérieures | 433-528 | |
Auteurs des travaux recensés | 529-534 | |
Table générale | 535-536 |
Résumés :
Izabela JURASZ, « Comment retourner à Ithaque ? Le voyage d’Ulysse selon les platoniciens, gnostiques et chrétiens », p. 1-23
Le thème homérique du voyage d’Ulysse a reçu de nombreuses lectures chez les platoniciens : Ulysse représentait pour eux une âme qui parcourt le monde sensible sur le chemin de retour vers sa « patrie » intelligible et divine. Cette exégèse a été aussi populaire dans des milieux gnostiques (Pérates, Séthiens et Naassènes) et chrétiens (de Rome et d’Alexandrie). L’article passe en revue ces lectures, parfois peu connues, en mettant en évidence leurs particularités : les thèmes bibliques et doctrinaux qui s’ajoutent à la lecture platonicienne d’Homère. On met ainsi en évidence le rayonnement du platonisme et ses transformations en dehors de l’école platonicienne.
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Marta SZADA, « Basil of Caesarea’s Biblical Readings in the Address to Young Men on Reading the Greek Literature », p. 25-44
Le discours Aux jeunes gens de Basile de Césarée est un texte très connu qui a été lu attentivement par des générations d’érudits. Ils se concentraient généralement sur l’utilisation faite par Basile de la littérature païenne et voyaient dans ce discours l’un des exposés les plus importants de l’attitude chrétienne envers la culture païenne grecque. Afin d’illustrer sa défense de l’utilité morale de l’éducation scolaire, Basile introduit dans son discours une série de références bibliques. À travers des mentions de personnages bibliques et des paraphrases, répondant de manière créative aux parallèles païens, Basile explique comment la forme de lecture critique qu’il préconise devrait fonctionner dans la pratique. La Bible apparaît masquée sous une forme hellénisée et, dans ce processus, la forme hellénisée est justifiée. Ainsi, le travail de reformulation et d’harmonisation ne remet pas en cause la supériorité du discours chrétien, mais souligne plutôt son pouvoir d’assimilation d’éléments étrangers.
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Johannes VAN OORT, « A New Reading of Augustine’s Conversion Story (conf. 8,13-30) », p. 45-100
Cet article s’intéresse aux éléments manichéens dans le récit que fait Augustin de sa conversion (conf. 8, 13-30), en se concentrant à la fois sur les textes dans lesquels le manichéisme et ses adhérents sont explicitement mentionnés, et, plus encore, sur les détails, expressions et figures caractéristiques dans lesquelles des enseignements et concepts manichéens semblent jouer un rôle important. Il fait apparaître comme trame de fond de la narratio d’Augustin, non seulement la fête manichéenne du Bêma et d’autres célébrations confessionnelles, mais aussi des concepts manichéens typiques tels que « l’Appel et la Réponse », « l’Enfant-Jésus », « la Vierge », etc. L’article se termine par dix conclusions, affirmant entre autres que – selon la doctrine manichéenne – l’enfant qui chante dans le récit d’Augustin représente Jésus, comme mater représente Monique.
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Mathilde SCHWOERER, « Chanter les frères Maccabées au Ve siècle : recherche sur les enjeux du Carmen de martyrio Maccabaeorum (CPL 1428) », p. 101-136
Réécriture poétique très libre du récit du martyre des Maccabées, dans la tradition de la paraphrase biblique, le Carmen de martyrio Maccabaeorum (Ve s. ; CPL 1428) se caractérise par le refus d’une esthétique contemporaine macabre au bénéfice d’une coloration ascétique qui se révèle aussi bien dans la sobriété des descriptions que dans les thèmes abordés. Mais ce n’est pas sa seule originalité. Le poème prête deux attitudes aux martyrs : certains s’inscrivent dans un héroïsme traditionnel face à la mort, alors que d’autres hésitent au moment décisif, effrayés. Cette seconde représentation, inhabituelle, reflète les préoccupations contemporaines des prédicateurs chrétiens qui commencent à considérer la peur de la mort comme naturelle. Selon une approche symbolique, les Maccabées peuvent évoquer une communauté monastique ou des fidèles chrétiens aux profils variés, tandis que leur mère représenterait le prédicateur. Grâce à leur nombre, leur symbolique et leur appartenance au judaïsme, les Maccabées offrent l’avantage d’être à juste distance du christianisme pour que l’auteur touche son lectorat sans l’offusquer avec les libertés qu’il prend.
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Jérémy DELMULLE, « Fragments patristiques non reconnus dans l’Expositum in Heptateuchum de Jean Diacre », p. 137-222
Cet article entend compléter et corriger les analyses existantes de l’Expositum in Heptateuchum inédit de Jean Diacre (milieu du VIe siècle) par l’étude de seize fragments d’œuvres patristiques non ou mal identifiés. Un nouvel examen critique de neuf fragments édités par Jean-Baptiste Pitra en 1852 permet d’en préciser la nature et d’en proposer une localisation mieux fondée dans diverses œuvres d’Origène (Stromata, Peri physeon, Lettre à Gobar), de Didyme d’Alexandrie (De fide) et d’Augustin (Sermon Delmulle 1). Sept autres fragments, non repérés jusqu’ici, sont édités pour la première fois : un nouveau passage d’une traduction latine de l’Edictum aduersus Origenem de Justinien, un tractatus sur Josué attribuable à Grégoire d’Elvire, quatre morceaux sur la Genèse sans doute issus de la prédication d’Augustin et une phrase de Victor de Capoue. Chacun de ces fragments fait l’objet d’une édition critique et d’une critique d’attribution.
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Emanuele CASTELLI, « La nascita del termine ΧΡΙΣΤΙΑΝΙΣΜΟΣ. Un nuovo punto di partenza e alcune considerazioni sull’uso della parola in Ignazio di Antiochia », p. 233-258
Les premières occurrences du terme χριστιανισμός se trouvent dans trois lettres d’Ignace d’Antioche : Magn. 10, 1-3, Rom. 3, 3 et Philad. 6, 1. Le néologisme a-t-il donc été créé par Ignace ? Certains chercheurs le pensent, tandis que d’autres préfèrent rester prudents sur la question, voire formuler d’autres hypothèses. Dans cet article, j’examine la question sous différents angles et j’arrive aux conclusions suivantes : 1) χριστιανισμός n’a pas été créé par Ignace lors de la composition de ses lettres ; 2) le mot était déjà en usage, mais il n’est pas possible d’établir avec certitude quand et où il a été créé ; 3) la paternité du néologisme reste par conséquent incertaine ; 4) initialement, χριστιανισμός peut avoir eu une connotation réductrice (ou négative). Si cette hypothèse s’avère correcte, Ignace serait le premier auteur à notre connaissance à utiliser le mot dans un sens absolument positif. D’un point de vue plus général, il convient de noter que de nombreux auteurs chrétiens de l’Antiquité tardive ne semblent pas particulièrement apprécier le terme χριστιανισμός. Cela pourrait être dû aux caractéristiques du mot et notamment à sa terminaison en -ισμός.
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Christophe GUIGNARD, « La date du commentaire de Fortunatien d’Aquilée sur les évangiles à la lumière de ses prises de position trinitaires », p. 259-329
D’après Jérôme, le commentaire de Fortunatien sur les évangiles a été rédigé sous le règne de Constance II (337-361). Comme beaucoup de textes exégétiques, l’œuvre offre peu de prise à la datation, mais une analyse attentive des éléments qui relèvent de la polémique trinitaire permet de mettre en relation diverses parties du commentaire avec des événements ou symboles de foi des années 350, suggérant que sa rédaction s’est échelonnée entre 353, au plus tard, et 360. L’étude de ces éléments permet par ailleurs de préciser le positionnement théologique de Fortunatien, entre fidélité aux conceptions nicéennes et accommodements avec la tendance homéenne promue par Constance et les évêques de sa cour.
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Gert PARTOENS - Nicolas DE MAEYER, « Augustine’s Sermo 291 for the Natale of John the Baptist. Content Analysis, Transmission Study, and New Critical Edition », p. 331-367
Le Sermo 291 est l’un des quatorze sermons préservés d’Augustin pour le natale de Jean-Baptiste. Cet article offre une analyse du contenu et de la transmission du sermon, et fournit une nouvelle édition critique comprenant plusieurs groupes de mots et phrases courtes qui étaient encore jusqu’ici inconnus. Ces passages ont pu être restaurés grâce au témoignage des mss. Wolfenbüttel, HAB, Weiss. 12 (4096) et Montecassino, Bibl. Abb. 12. L’étude de la transmission du sermon 291 vient confirmer et développer les conclusions stemmatiques formulées dans des études antérieures pour d’autres sermons augustiniens ayant une transmission identique ou similaire. En outre, l’étude de la transmission indirecte du sermon montre son influence sur deux sermons pseudo-augustiniens, sur le Milleloquium ueritatis de Barthélémy d’Urbino et sur un bréviaire témoignant de la liturgie associée à l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
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Geoffrey D. DUNN, « Boniface I and the Apiarius Affair », p. 369-389
Une lettre de l’évêque romain du Ve siècle Boniface Ier (418-422) (Dilectionis uestrae), au contenu apparemment assez peu remarquable, se trouve conservée dans les deux manuscrits de la Collectio Frisingensis prima, mais a été omise par Coustant dans l’édition des premières lettres papales (1721). Or, dans cette lettre, Boniface fait état d’un rapport reçu de la part de l’évêque Faustinus et de deux prêtres, dont la mention, replacée dans le contexte dans lequel le compilateur du manuscrit Clm. 6243 l’a insérée, accroît significativement notre connaissance de l’affaire Apiarius. Comme on le sait, celle-ci concerne en définitive les droits de l’Église de Rome à entendre les appels judiciaires du bas-clergé africain, ce qui l’inscrit dans une problématique plus large : celle de la primauté de l’Église romaine. S’il est bien connu des spécialistes que les communautés africaines ont parfois eu des difficultés avec ce qu’elles considéraient comme une ingérence romaine excessive de Zosime (417-418) dans leurs affaires ecclésiastiques, cette lettre prouve que Rome tenait la même position sous Boniface et que les objections des Africains n’étaient pas personnelles, mais répondaient à l’amalgame erroné en vigueur à Rome entre canons du synode de Sardique et ceux de Nicée. Aussi s’agissait-il d’une question que les Africains estimaient avoir le droit de régler dans le seul cadre de leur territoire, tandis que les évêques romains pensaient eux-mêmes agir de bonne foi. Dès lors, l’importance de la lettre réside dans le fait qu’elle présente une perspective propre à Rome sur l’affaire Apiarius, indépendante des informations filtrées par les canons synodaux africains.